J'aime plus cette ville.
Dans la vie, il existe deux types de consommateurs : ceux qui passent leur existence à travailler et consommer sans se poser de question, dans l'ignorance des conséquences ; et ceux qui consomment en se demandant comment sortir de ce schéma imposé.
Il est passé midi, je quitte mon domicile en claquant violemment la porte derrière moi et rejoins la voiture, sagement stationnée dans le garage.
Carburant à sec. Pas si étonnant, en réalité.
Je me dirige en direction de la pompe à essence en prenant soin de couper le moteur qui laissait échapper une épaisse fumée noirâtre tout autour.
Une dame outrée, m'observe d'un œil mécontent. Rapidement, je cible le problème : madame, elle, possède une voiture écologique... Foutaise !
D'un signe peu gracieux, je lui exprime mon désinterêt.
***
Au dessus de moi, le ciel est gris et j'imagine difficilement que dans quelques semaines seulement, le soleil nous fera l'honneur de sa présence exceptionnelle pour la période estivale.
Je jette un œil avant de quitter la station d'essence. Les gens dont je capte le regard, ne sourient pas.
Peut-être serait-ce moi qui devient comme eux : aigris.
Les sourcils froncés, je retourne dans la voiture et pousse pied au plancher.
Brusquement, la voiture démarre comme un train. Je suis pressé, et surtout... oppressé !
Je n'aime plus cette ville où plus rien ne laisse place à la tranquillité, à la vie en communauté, mais bien au stress, à l'individualisme et à l'indifférence.
On court partout, et c'est bien ce qui m'ennuie. Trop de gens galopent, dévisageant autrui.
Dire que je me fous de leur vie et que je n'ai vraiment pas le temps pour ces conneries !
***
Ce matin encore, je préparais mon arche, sous le regard préoccupé de ma femme, qui ne semblait pas vraiment comprendre que je voulais me barrer !
C'est pourquoi, j'ai tenté de lui expliquer, en vain, que même en toc, ma vie est morte.
***
Soudain, ma montre sonne : il est déjà 5 heure. Pourtant, autour de moi, les rues s'endorment !
Ca y est, ça recommence. J'étouffe, je manque de souffle. Il paraît que ces temps-ci, je suis pâle.
Alors que je me prépare à traverser un carrefour, mon téléphone se met à sonner.
J'avais pourtant prévenu que je ne voulais ni voir ni entendre personne.
La main dans le fond de ma poche, les yeux maladroitement rivés sur la route, je saisis l'appareil qui continuait de bourdonner, et le coupai d'un geste bref.
Peut-être devrais-je songer à vivre à l'écart de tout. Une vie de none !
Loin de tout, loin de rien. Bref, bien loin de mon quotidien.
Traversant le périphérique, je pense à tous ces gens cyniques qui rêvent d'argent et de reconnaissance, et à ceux qui passent leur temps aux jeux hasardeux, dont la suite de numéros sort une once de millionnaires.
Je pense en conséquence à tous ces exclus, qui ne voient la ville lumière qu'au fond d'un train sans atmosphère.
L'entraide et la faiblesse, peu à peu, disparaissent pour céder l'espace aux manipulateurs et prédateurs.
Oui, la ville est moche. Et qu'on le veuille ou non, elle nous écorche.
***
J'aperçois au loin un panneau de « Bienvenue » à l'entrée de la ville. Ironie du sort.
Il me semble si loin le temps des balançoires, mais approchez donc, et venez découvrir celui des pillards !
Je me déporte légèrement sur la gauche et arrête la voiture net.
En réfléchissant un instant, je devrais peut-être m'en aller respirer à la mer. L'air de la côte y est plaisant pour écouter les gens se taire.
...Ou encore descendre une ou deux bières ! Certaines d'entre elles font le tour de la terre, et à défaut de le faire moi-même, autant m'offrir la tournée de verres.
***
Mais en fait, cette ville... c'est toute une vie. Elle est cruelle, tellement belle et j'ai conscience qu'elle nous détruit.
Affaiblis par cette envie de partir, je noie ma peine et mes soucis, avant de reprendre, comme tous les jours, le chemin du retour.
...Et remettre au lendemain, mon dilemme sans fin !
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